samedi 19 juillet 2008
L'ORANGE AMÈRE
Sur quatre enfants, j’étais le second fils d’un officier de marine qui ne servait pas sur la mer : Il arborait un écusson de pilote d’avion. J’ai des souvenirs de ballons, ballons ronds dits “libres”, ballons longs dits “saucisses”, ballons à propulsion motorisée dits “dirigeables” ...
Un bateau qui s’appelait “le Cèdre” tractait des saucisses aux alentours de l’île d’Oléron. Il me reste aux narines l’odeur du caoutchouc échauffé par le soleil du mois d’août, dans une clairière entourée de pins maritimes.
J’ai aussi des souvenirs d’étranges insectes de bambous, de bois et de toile huilée ... et qui volaient ! Parmi les plus invraisemblables citons les “ Poux du Ciel”, les “avionnettes” et les “autogires”, ces derniers pouvant être considérés comme les ancêtres des hélicoptères modernes. Ils volaient, mais aussi, souvent, ils se brisaient.
Il me suffisait de grimper sur une chaise, dans notre salle de bains, pour manipuler en cachette le casque de cuir souple et les lunettes de pilote de mon père.
Dans le même placard, se trouvait le sabre, avec des galons d’or pendant à la garde. Fourreau noir. Dans une boîte en bois dont la forme pouvait intriguer je découvris un jour le bicorne à cocarde. Bicorne et sabre équipent mon père dont l’image figure sur une photo prise à Rochefort lors de la cérémonie au cours de laquelle on lui remit La Croix.
Un matin de septembre mille neuf cent trente neuf ... Il faisait beau. Mon père, perché sur le toit de la maison où nous passions nos vacances, en Oléron, rangeait des tuiles. Est-ce qu’il m’en souvient bien, ou le souvenir n’est que rapporté ? Les gendarmes vinrent annoncer la déclaration de guerre et la mobilisation.
La guerre ... Elle commence pour moi dans un chambardement, un bruit d’apocalypse. C’est le premier souvenir dont je suis absolument sûr qu’il soit direct et personnel. J’avais sept ans. Je grimpai les escaliers métalliques à toute vitesse. Je croyais que le bateau coulait. Nous nous trouvions au large de Gibraltar. Je dormais sur ma couchette dans les entrailles du navire qui nous conduisait à Casablanca. Mes parents devaient prendre le frais sur le pont à ce moment là. Je sens encore les odeurs d’huiles, lourdes et j’entends encore les battements des machines, les emballements épisodiques de l’hélice lorsque les pales sortaient de l’eau.
Un paquebot qui s’arrête en plein élan, c’est fou comme c’est bruyant ! Les tôles vibrent ... Un aviso britannique nous arraisonnait. Je pensais à mon petit camarade, resté en France, dont le père avait péri au fond, dans un sous-marin. Cette mort avait hanté mes nuits ... Sait-on ce que cela peut être, pour un petit garçon de sept ans, d’étouffer la nuit au fond de l’océan ? Le naufrage d’un sous-marin, est-ce que cela fait autant de vacarme que l’arraisonnement d’un paquebot ?
Mon père à moi était chargé de la construction d’un centre de ballons captifs à Casablanca.
Une fois installé là-bas, près des “Roches Noires” j’appris, une bribe après l’autre, car les “grands” ne parlaient pas de cela aux enfants, qu’il se passait en France des choses très graves et mystérieuses. Moi, j’avais pour m’amuser la compagnie d’un épervier apprivoisé et de deux marcassins qui accompagnaient le chien partout. Il y avait aussi une piscine en mer toute proche.
Je pense que mon père fit un séjour sur le croiseur Jean Bart : Une plaque de bouche aux armes de ce navire est longtemps demeurée sur son bureau. Par contre, je ne crois pas me souvenir de cette fameuse nuit où l’on vit des avions anglais mitrailler la rade.
Toute la population était, paraît-il montée aux terrasses pour admirer les balles traçantes et les fusées éclairantes. Je crois bien que c’était le quatorze juillet !
On n’aimait pas les Anglais, dans la marine. On parlait de Mers-El-Kébir.
Des images et des mots disparates constituent mes souvenirs : Les cavaliers chamarrés du Sultan, avec leurs capes rouges, des dromadaires en files interminables, le balcon de l’appartement que nous avons habité à Rabat, à côté d’un magasin de jouets qi s’appelait “Au Nain Bleu” ... De ce balcon, j’aspergeais les passants en soufflant dans le bec d’une gargoulette. Je me souviens aussi des bougainvillées qui grimpaient sur un mur, à l’entrée d’un tunnel ferroviaire. Je me souviens du mausolée du Maréchal Lyautey, des pistes rouges partant d’Agadir vers les déserts du sud et des neiges lointaines du Tizin’Test ... Des noms me reviennent en mémoire : Giraud, Darlan, Weygan, le Maréchal.
Je ne sais qui m’apprit à chanter “Maréchal Nous Voilà” et puis “C’est nous les Africains qui revenons de loin “ On parla ensuite des Américains : Ils risquaient de “débarquer”.
Ils allaient “débarquer” ... Je ne compris ce que cela signifiait que lorsqu’ils eurent “débarqué”. Il y avait eu de nombreux morts français à Port-Lyautey.
Mon père était préoccupé : Il attendait un rouleau-compresseur qui arrivait de Rabat à petites étapes, lentement, par ses propres moyens. On en avait absolument besoin pour rouler la piste du terrain d’aviation qui se construisait à Inezgane, près d’Agadir. En l’absence de camions, cette piste, elle se réalisait avec des cailloux concassés à la main et transportés dans des couffins, à dos de dromadaires ...
À la réflexion, il me semble que je n’ai guère connu mon père autrement que “vu de dos“ : épaules rondes, mains croisées sur le creux des reins, . Il part à la Base. Celle de Casablanca est entourée de grillages et de barbelés, elle a deux hangars immenses. À Port-Lyautey, mais je n’y étais pas je crois, c’est dans un hangar à ballons que le Père Noël est descendu du toit en parachute pour distribuer des bonbons. C’était avant l’arrivée des Américains. Eux, un peu plus tard, ils nous donnaient des Pommes rouges qui nous émerveillaient.
La Base, à Agadir ... On m’y mène, environ une fois par mois, pour me faire couper les cheveux chez le “bouif”, c’est ainsi que l’on appelle le coiffeur ...
C’est aussi à Agadir, juste devant le factionnaire dans son aubette, que mon père, en tenue d’officier de marine, grimpa dans un arbre pour dénicher des tourterelles. Le Commandant attendait au pied de l’arbre pour recueillir les oisillons dans sa casquette ! Je n’ai jamais su ce qu’en pensait le factionnaire ... En tout cas, c’est moi qui élevai les tourterelles.
On a cassé beaucoup d’avions à Agadir : Je pense qu’ils étaient un peu vétustes, Catalina, Dewoitine, S.B.D. , Lightning ...
Un Dewoitine se posa sur le dos d’un dromadaire qui batifolait sur la piste ... Le dromadaire fut sain et sauf ! Il a figuré dans le blason de la base.
C’est avec un S.B.D. que le père d’un de mes petits camarades, qui s’appelait Ortolan et qui devint Amiral, eut un accident : Il parvint à s’éjecter en parachute mais resta pendant deux jours accroché aux branches d’un arganier, sur la pente abrupte d’un ravin.
J’ai beaucoup servi d’enfant de chœur, pour les offices d’enterrement. Des femmes en noir pleuraient, des gallons brillaient, des cierges filaient une âcre fumée. Une “marinette” secouait la cloche en rythmant la sonnerie avec les mouvements de sa croupe.
Aussi souvent que je le pouvais, je fouinais dans le coin où s’entassaient les carlingues disloquées. Je collectionnais les cadrans des tableaux de bord et autres bizarreries. Je découvris ainsi le duralumin, qui était un nouveau matériau. Un jour, mon père faillit me surprendre dans le cimetière des avions. Je me tassai au fond d’une carlingue : Il ne jeta qu’un coup d’oeil rapide à l’intérieur. Je me souviens très bien du raclement de gorge qui lui était habituel.
Arrivent, donc, les Américains. Je me demande si le mot fut d’abord utilisé pour désigner ces soldats étrangers, noirs souvent, qui distribuaient de la gomme à mâcher, autre nouveauté, ou bien pour désigner les officiers français qui arrivaient d’Amérique et d’Angleterre. Il me semble que ces derniers n’étaient pas très aimés, on utilisait à leur égard un peu le même accent que celui qui servait à parler des “biffins” ou, pis encore ... des “Autres”, ceux de l’Armée de l’Air.
Mes frères et moi, nous avions un âne. Il nous jouait des tours. Il se roulait, les quatre pattes en l’air, dans chaque crottin qu’il rencontrait au bord du chemin. Il fallait avoir l’oeil et sauter à terre lestement! Longues promenades vers le sud. Jusqu’à ce que l’un d’entre nous eût l’idée saugrenue d’enfoncer un piment rouge dans le derrière du bourricot pour le faire avancer plus vite. Cela fut efficace : On ne l’a jamais revu !
La “guerre” pour un enfant de dix ou onze ans, c’est ça. Dans le jardin, il y avait des coings qui sentaient bon. Du côté de l’oued Souss, les Légionnaires venaient faire l’exercice parfois. Sur les rives, il y avait des champs de roseaux et des sarcelles s’envolaient quand on battait leurs feuillages.
Les adultes avaient des préoccupations incompréhensibles. On parlait peu de De Gaulle, dit “Le Grand Charles,” qui faisait des discours derrière un microphone, à Londres. Il suffisait de parler de l’Angleterre pour que s’échauffent les esprits : Dunkerque, Mers-El-Kebir. Les “F.F.L. et les “Anciens” s’observaient : Il était question du “sabordage” de la flotte à Toulon ... Qu’est-ce que c’est qu’un sabordage ? On parlait des Américains, les vrais, les mangeurs de chewing-gum, comme on eût parlé de sauvages ... “Bandes de convicts libérés” pour constituer les troupes de choc, noirs arrogants qui conduisaient trop vite leurs énormes camions. “Cow-Boys” qui poursuivaient les gazelles en jeep et les tiraient à la mitrailleuse ... Et puis, c’était bien connu : “Les Américains ne connaissaient rien aux Arabes” !
-” Vous verrez, il n’y a que le pétrole qui les intéresse ici ! “
C’est vrai ... En Afrique du nord, il y avait aussi ... les Arabes ! Il y avait les cochers des fiacres sur les avenues des grandes villes. Il y avait les petits cireurs avec leurs tabourets. Il y avait les vendeurs dans les souks, au milieu des cuivres, des lampes, des laines, des cuirs et des épices. Il y avait les laboureurs tenant les mancherons des araires de bois, dans les champs de cailloux. Il y avait les serveurs de thé à la menthe et de gâteaux au miel, sous les tentes caïdales, aux jours de grande diffah. Il y avait les Caïds, enveloppés dans leurs djellabas bleues ou d’un blanc immaculé.
Pendant les jours de Ramadan, les Arabes étaient bruyants tous les soirs. Ils l’étaient encore plus lorsque passait un nuage de criquets pèlerins : Youyous des femmes et tintamarres de casseroles heurtées. Nous, nous faisions griller les sauterelles pour les manger. On disait les Arabes durs au mal. L’un d’eux aurait parcouru plus de dix kilomètres dans le bled, éventré, retenant ses intestins dans le creux de son burnous. On l’avait sauvé !
-”Ah, mon bon Monsieur, les Arabes !” Sur notre chemin, lorsque nous nous promenions avec notre âne, les Arabes nous offraient des oranges, des quartiers de pastèque, des galettes chaudes ... Ah la kisrah ! J’en ai encore l’odeur aux narines, la bonne odeur du blé cuit. Les Arabes, au Maroc, ils sont fidèles et bienveillants.
Lorsque nous fûmes à Oran, à partir de mille neuf cent quarante quatre je crois, mon père se fit plus rare encore. Nous logions en ville et la base se trouvait loin, à Tafaraoui, près des lacs salés. Il partait tôt le matin . Il ne rentrait pas tous les soirs. Un jour, étant resté à la maison pour une quelconque maladie, il s’aperçut tout de même que notre mère avait de plus en plus de difficultés pour faire son marché : cent vingt cinq grammes de pain par personne et par jour, que j’allais chercher chez un boulanger de la rue de la Révolution, au cœur du quartier juif, là où les boutiques sombres sentaient l’huile d’olive et le beurre rance, l’encens peut-être aussi ? Que sais-je encore ? Le boulanger pesait le pain, le tranchait, et puis ajoutait une tranche pour faire la pesée. Je dévorais la pesée en cours de route, avec une merguez lorsque j’en avais les moyens. Jusqu’au jour où ...
-”Vous savez, les merguez ... Dans le quartier juif, on y a trouvé des doigts, des doigts d’enfants ...” Rumeur, que ne fais-tu pas dire ? Et quelles sont les rumeurs qui n’ont pas couru ?
Des Arabes nous apportaient de l’eau potable dans des bidons qui avaient contenu de l’huile ou du pétrole autrefois. Au robinet, l’eau était rare et saumâtre, néanmoins on laissait le robinet de la baignoire ouvert toute la nuit pour profiter des rares instants pendant lesquels l’eau coulait.
Pour la monter au quatrième étage et nous la vendre, le porteur demandait un prix extravagant. Quatre bidons de fer blanc : Deux à chaque épaule ... C’est qu’il allait chercher l’eau dans la montagne, lui ! J’ai vu ma mère pleurer parce qu’on lui proposait une boîte de lait condensé au marché noir ... Qu’elle n’avait pas les moyens de payer, or notre jeune sœur était un bébé et notre mère ne pouvait pas l’allaiter.
Lorsque notre père prit conscience de nos difficultés, ( il déjeunait, lui au mess de la Base ) il se mit en quatre pour nous aider. Il allait chez les colons, nous rapportait un plein sac d’artichauts ou de choux-fleurs, un sac de farine de maïs, un demi-porc ...
Notre mère roulait la pâte, avec l’aide d’un matelot d’origine italienne. Elle faisait des nouilles fraîches. Elle découpait le porc sur le balcon, en se cachant des voisins et des passants. Mais que faire d’un demi-porc quand on n’a pas de réfrigérateur ? Que faire d’un plein sac d’artichauts, même avec quatre enfants autour de la table ? On en mangeait tous les jours, à tous les repas, jusqu’à épuisement. On en donnait au voisin, qui me fournissait en cahiers d’écolier (comment en avait-il en réserve ? ) Pendant des heures, on se relayait pour faire la queue devant le marché aux poissons. Un jour, je n’en rapportait qu’un seul, un poisson-volant : tout ce qui restait parce qu’il avait glissé à terre !
Il y avait deux files pour faire la queue devant les boutiques : une file pour les Européens, une file pour les “Arabes”.
-”Vous verrez, un jour ils nous passeront devant !”
Nedjma travaillait à la maison. C’était une grande et belle femme, jeune et svelte. Une étoile bleue était tatouée entre ses deux yeux. Sa peau était dorée. Les jours de fête, les paumes de ses mains étaient teintes au henné. Nous l’aimions beaucoup et elle nous le rendait bien. Elle est restée longtemps chez nous. Je revois ses longs doigt allongés, quand elle roulait la semoule de couscous.
Liesse à Oran, pour la célébration de la libération de Paris. Tout le monde en fête, sans distinctions, les “Arabes” comme les Européens et tous au beau milieu de la rue. Drapeaux, lampions, musiques et chansons, j’avais treize ans.
Peu après, nous avons rejoint la France à bord du tout premier paquebot en partance. Il s’appelait le “Médi II “. Nous avions, j’ignore à quel titre, mais sans doute était-ce parce que notre père s’était bien débrouillé, le statut de rapatriés sanitaires.
Nous avons débarqué à Toulon : ferrailles tordues de la flotte sabordée, ferrailles noires, acérées et sinistres, émergeant des flots ... C’était donc cela, la guerre ! Longues files d’hommes habillés de drap vert-de-gris, à calots ou bizarre casquette. On lisait les lettres P.G. dans leur dos, (prisonnier de guerre ). Longues files d’hommes humiliés : Les “Fritz”, montant les passerelles, les redescendant avec des colis sur le dos, fourmis ... hommes de bât !
... Le train. Wagons sales et puants. Le train se détourne ou s’arrête, à chaque pont détruit ... C’est donc cela aussi, la guerre ! On nous oublie sur une voie de garage, cela arrivera plusieurs fois. des jeunes femmes de la Croix Rouge nous découvraient, nous demandaient d’où on venait et où on allait. Elles nous apportaient du lait et du pain. Il nous fallut sept jours et sept nuits pour arriver à Bordeaux où notre père nous attendait. Nos cheveux étaient pleins de poux et nos mains avaient la gale. Nous sentions le rance et l’ordure.
Fossés anti-chars aux portes de la Rochelle, champs de mines dans les dunes d’Oléron, dans les bosquets de Port-des-Barques et ceux de Fouras. Je collectionnais les petits drapeaux en fer qui avaient servi à signaler les mines.
Canons tordus ... Tombes fraîches dans le sable, à Boyardville et à Saint-Trojan-les-Bains : Un piquet de bois surmonté d’un casque d’acier. À Rochefort, il y avait des affiches sur les portes de certaines maisons, proclamant des cas “d’Indignité Nationale” et de “Suppression des droits civiques”. On racontait des histoires de femmes tondues. On parlait des ruines de Royan “libéré”. On racontait des histoires de “Résistants de la dernière heure “.
Des prisonniers de guerre allemands ou autrichiens, que l’on appelait tous des “Boches”, n’est-ce pas ? coupaient du bois de chauffage à la campagne au bénéfice des familles, d’autres recousaient nos galoches et nos chaussures, d’autres encore, interminablement, portaient des charges sur leur dos. Un chirurgien de Constance faisait office de maître d’hôtel au carré des officiers. Il semblait qu’ils étaient tous là pour toujours ...
Nos parents faisaient du savon dans la cour de la maison, mêlant la soude et le suif. La lessiveuse bouillait. On mettait des œufs en conserve, dans une gelée de silicate à l’intérieur de la cuve en verre d’une batterie de sous-marin.
De longues expéditions en Vendée arrivaient des légumes, du beurre, des joues et des queues de bœufs, des mamelles de vaches parfois, dont notre mère faisait des ragoûts.
-”Sur la route de la Rochelle. Trois enfants ont sauté en jouant avec des explosifs.”
Mon adolescence fut l’occasion de voir fleurir sur les murs des slogans d’ingratitude ; “U.S. Go Home !” On distingue encore quelques uns de ces graffiti, sur certains murs de la Rochelle. Je ne tardai pas à coller des affiches pour le compte de l’association Paix et Liberté, ce qui me conduisit parfois au poste de police. Le Député, sur un coup de téléphone, nous en sortait vite, mais on nous confisquait nos pots de colle et nos pinceaux ! Le même Député nous fournissait en bons d’essence pour nos ballades.
On apprenait de temps à autre quelque incarcération, pour marché noir la plupart du temps.
Mon ami Olivier travaillait à la S.N.C.F. Il était comptable à la gare de Rochefort.
-”Ne t’inquiètes pas, le soir du Grand Soir, ils me trouveront.”
Il avait de sérieux titres de résistance. Il connaissait, disait-il, toutes les caches d’armes de la région. Dans les tiroirs de sa commode, il y avait un fusil-mitrailleur et quelques mitraillettes. Je croisais parfois dans son couloir une femme qu’il ne devait pas mettre ailleurs que dans son lit : certaine odeur de clandestinité là encore ! Il était mon ami. Je tairai son véritable nom. J’appris un jour qu’il avait puisé dans la caisse de la S.N.C.F. pour acheter un ou deux camions qu’il louait à des entreprises locales et un chalutier dans le port de La Rochelle ! C’est le chalutier qui le fit prendre je crois. On le jeta en prison. Il mourut peu après, d’un cancer. La Nature fait parfois bien les choses. Un, parmi tant d’autres, qui ne s’était jamais remis de sa guerre ... Je ne renie pas cette amitié.
Voilà ce que fut la guerre pour moi, ballotté, tâtonnant, le cœur en bandoulière. Il me fallut ensuite apprendre le reste, beaucoup plus tard, à l’issue de cinq ou six années obscures dans des internats hostiles où me conduisirent les affectations paternelles.
Il me fallut encore une autre guerre, dans laquelle je fus engagé cette fois. pataugeant dans les éteules boueux et les collines caillouteuses ... Une autre guerre où je perdis ma foi et mes tripes.
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